avril 26, 2280

Rouge.

L'odeur de l'air ventilé.
Les yeux de papa, rouges. Humides. Ses yeux fuyants.
Son sourire qui cache un secret.
Les bruits, les cris, je me bouche les oreilles.
Pourquoi tu cries maman ? Chut mon garçon, dors, coule ta tête sur cet oreiller. Maman n'a rien. Maman n'a rien. Maman n'a rien. Je n'ai plus rien.
Des bourdonnements, des frissons, la tension des muscles. Le froid qui s'immisce sous ma combinaison. Est-ce que je pleure ? Quelque chose coule sur mon visage.

Les grilles familières de notre logement, dans l'abri 99. Les décorations sobres de quelques photos de famille. Famille qui sourit, heureuse. Famille qui se chérit. Famille qui se détruit.
Papa, où tu vas le soir, quand tu crois que je dors ? Tu t'en vas et maman crie toujours.
J'ai peur pour elle, pour toi, pour moi.
Est-ce qu'elle a mal ?
Elle a l'air d'aller bien, chaque jour. Elle est heureuse, elle me dit.
Toi, pourquoi tu pleures quand tu crois que je ne regarde pas ? Je croyais qu'un homme ça ne pleurait pas.
Les grincements du lit, répétés, les cris, toujours les mêmes, étouffés, mais toujours audible.

Ce soir tu rentres, et je n'ai toujours pas fermé l'oeil. Mais tu ne me vois pas. Tu entres dans la chambre de maman, avec cette hache à la main.
Papa, tu fais quoi ?
Les bruits dans la chambre s'arrêtent quand tu entres. Tu fais quoi papa ? J'ai peur. Tes yeux sont des tombes pourpres qui ne me voient pas.
Les cris reprennent, ceux de maman puis d'un monsieur. La chambre rouge. Mes yeux sont blancs, mais tout est rouge. La hache rouge est sur le sol rouge. Maman et le monsieur sont nus, ils sont rouges, ils se sont tus, plus rien ne bouge.
Toi non plus. Tu restes immobile.
Un nouveau cri. La hache dans ma main, ton regard rouge, lourd, éteint.
Ma bouche grande ouverte, le son de ma voix, et toi tu ne fais pas un geste. Tu restes là. A mourir sous ma main, à éclabousser de rouge le déjà rouge des murs.
Papa, maman, aide-moi. J'ai peur, j'ai mal, je te hais, je te découpe.
Pourquoi tu pleures ?
Rouge.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

OMFG Ce passage est tout simplement magnifiquement écrit.
En plus j'écoutais une intro de musique un peu stressante en le lisant j'en ai eu des frissons dans le dos. Sublime ! Bouh encore des frissons moi :D

Je suis ton blog est franchement tu écris super bien et c'est super agréable à lire.
Merci
De : Pimousse74

Kaël a dit…

Bein écoute... tout le plaisir est pour moi.
Vu que ça change un peu radicalement du registre des épisodes précédents, je me demandais si les gens allaient pas être dubitatif, mais non.
Tant mieux.

Brutalpolo a dit…

Bluffant. Bravo Kaël!

Anonyme a dit…

Justement j'adore les mélanges, une coupure pour un passage un peu flou et angoissant puis retour a l'histoire j'adore ce genre d'ellipse ( Terme Exacte?)
Celle ci est placé parfaitement à mon sens ^^.

Continues !

De : Pimousse74

M. a dit…

Aucun frisson mais une foule d'émotions pour ma part.
Ton texte me réconcilie avec la hache, si longtemps source de souffrances, devenue instrument sublime...
C'est vraiment bon à lire.

M. a dit…

Ah! Et je voulais dire que ton texte est haletant, on est pris à la gorge, on ne respire plus. On ne respire délicieusement plus.

Kaël a dit…

Merci Mag'. J'apprécie ta lecture attentive et réceptive. Toujours un plaisir d'avoir ce genre de retours.
,)