mai 01, 2280

L'éveil du défunt

J'ai le souffle coupé. 
En fait, j'ai vaguement le sentiment de respirer pour la première fois de ma vie. J'ai presque envie de hurler comme un bébé qu'on vient de mettre au monde.
Mes mains s'agrippent désespérément aux draps qui me recouvrent. Les yeux grands ouverts, je ne vois pourtant pas grand chose. Des lumières floues, indistinctes, dansantes.
J'ai la nausée. Mon estomac remonte jusqu'à la gorge, et je manque de m'étouffer, car je peine déjà à respirer.
Toussant, crachant, mon ventre convulse, et moi je suis plié en deux sur moi-même, à bout de souffle.
A bout de forces. 
C'est vraiment désagréable. J'ai l'impression de crever.
Pourtant, mes yeux reprennent leur acuité, peu à peu. Je me doute que je suis toujours vivant.
Y'a que quand on est en vie qu'on peut se trouver dans un cloaque pareil.

La pénombre de la pièce ou je me trouve n'est illuminée que d'une lampe solitaire, à la lueur terne. Les murs sont décrépis et des vestiges de tapisserie moisie en parcourent certains pans. 
Une odeur rance emplie la pièce. Ça sent la pisse et le renfermé.
Une tablette en métal rouillé portant quelques instruments médicaux est disposée juste à côté du lit où je me trouve. Dessus, une bassine en plastique contient quelques bandages ensanglantés, qui baignent dans un fond d'eau rosâtre.

J'ai mal partout. Mais ce n'est rien en comparaison de la douleur qui palpite dans ma tête en permanence. Je me sens sonné, après ce réveil en sursaut. Ma mâchoire est endolorie au point que je n'arrive pas vraiment à la bouger, a part effectuer de lents et tout petits mouvements d'ouverture / fermeture. Je vois pas comment je pourrais bouffer avec une bouche qui s'ouvre pas.
Ça me fait penser que mon mal d'estomac est peut-être lié à la privation. Ouais.
En fait je crève de faim, ça ne fait aucun doute.
J'entreprends de me lever mais une main se pose sur mon épaule et m'arrête dans mon geste.
_ Ho, tu penses aller où comme ça ?
La voix de la femme est sèche et autoritaire. Sa main me retient fermement et me force à me rallonger. Je gémis à demi en me renfonçant dans les oreillers.
_ Merde, tu vas pas te mettre à pigner j'espère. Je supporte pas les jérémiades.
_ T'es qui, toi ? Et qu'est ce que je fous ici ? J'articule avec peine, a cause de ma mâchoire ankylosée.
_ Molo, cow-boy. Je vais passer les détails sur le sauvetage in extremis qui t'as valut une belle commotion à la gueule plutôt que de te faire écharper vif et clouer sur la palissade d'une maison. Disons juste que ma partie de chasse tombait bien. Enfin... pour toi, du moins. Ceci dit, t'as quand même une sale tronche.
_ Je t'emmerde, lui dis-je.
_ Ça me convient comme remerciement. Je m'appelle Betty.
_ Snake. Ou du moins ce qu'il en reste.

Son visage est dur. De profondes crevasses de fatigue cernent ses traits qui pourraient être fins et harmonieux. Une bonne couche de crasse recouvre ses cheveux et sa peau mate. Sa bouche est étirée d'un sourire qui semble le berceau de l'ironie. Quant à ses yeux, ils sont froids et ternes comme la mort.
Cette gonzesse en a vu. C'est certain.

Je me rend compte à présent que je suis nu. Non pas que ça me dérange vraiment, je m'en fous, même. Je m'inquiète plutôt pour mes affaires.
_ Ou sont...
_ T'inquiètes mon grand. J'ai mis tout ça dans le casier, là, au fond de la pièce.
Elle me désigne une mince armoire métallique défoncée, d'un geste de la main. Je me détend un peu. Du moins, autant que possible avec ces douleurs qui me parcourent inlassablement.

Une lassitude profonde m'envahit, qui ne tarde pas à me renvoyer dans un sommeil pas vraiment réparateur.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

MAGNIFIQUE !
Nan, honnêtement, y'a de quoi écrire un livre avec tout ça ! T'as un style vraiment, vraiment énorme !
Y'a quelques petits trucs à changer, à commencer par le nom du héros mais sinon, c'est GENIAL. Super captivant!
Si un jour, tu écris un livre, je te promets que j'achète !
Un seul mot : BRAVO !

Anonyme a dit…

Tout simplement wow. Sérieusement, il y a des romans qui font pâle figure face à ta plume! Continu ainsi! J'adore ton écriture à la première personne.

Kaël a dit…

Merci pour vos commentaires et vos encouragements. Ca fait vraiment plaisir de voir son travail apprécié.